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Hiver 2015-2016 : Auteurs de A à Z
Quelques poèmes en duo du (parapluie de l'aube)
Audrey Chambon & Khalid EL Morabethi Des humains qui se mangent, Des monstres qui se changent, Des pulsions inconscientes, l'angoisse, et à côté,
les sourires des anges, Le voyageur espoir et son envie de croire, L'envie de ne plus servir de café ou corriger les fautes, L'envie de ne plus faire le don Quichotte. Des cœurs humains qui battent bien trop fort, Et
des gorges serrées, Des cœurs humains qui battent bien trop fort, Et des ongles rongés, Des cœurs qui battent bien trop fort et enfermés, Enfermés dans une répétition, Dans
une envie, un rêve, une vision, Dans une promesse, un souhait, une conversation, Enfermés dans un mythe devenu littéraire, Qui s'est mélangé avec l'air, Enfermés dans la répétition de la même chose, la même cause, la même
nuit, La répétition du qui je suis. Le voyageur s'est arrêté et a posé son cœur Il le contemple tandis que l'autre Expose sans vergogne au monde ses sentiments anxieux. Devant
ses yeux il voit les hommes Leurs secrets, leur genèse, leur identité, Il se sent las, il se sent seul Avec son cœur à mille à l'heure Qui vit la vie de tous, De tous ceux qui s'étouffent Dans la régularité, la cadence nuancée, le confort millimétré... Le voyageur a peur, Et il reprend son cœur, On pourrait lui voler, Lui veut bien partager, ses humeurs et pulsions Mais ceux qui l'attendent tiennent des bâtons Pour tuer L'horloge Détraquée... Le voyageur repart alors, Aussi seul avec son cœur, Trop gros pour un seul homme, Car seul lui sait Ce que le cœur contient. *** Demain peut-être, quand je mourrai, Peut-être que dans le ciel, là-haut, Un peintre viendra dessiner pour moi quelque chose de beau.
Et
sûrement, le parfum de la rose, Viendra me raconter près de ma tombe, son bonheur d’être éclose, Oui, j’écouterai, En paix.
Demain peut-être, je partirai. Vois-tu, je sais qu’il m’attend, Peut-être
j’entendrai ce que me dit le vent, Ce que chante l'abeille et murmure l'étang.
Peut-être ce bras posé sur
mon épaule, Me donnera des ailes, que de joie je m’envole ?
Quand je mourrai, Peut-être que j’aurai le temps de dire à mon créateur, Que je l’aime avec ardeur.
Mais
aujourd'hui c'est déjà demain Et j'emprunte finalement le chemin incertain Laissant à plus tard le chant des fleurs
ensorcelantes.
A toi la vie j'ai décidé de te livrer ma joie Et le ciel que je loue, bienveillant attendra Arrachant aux étoiles impatientes le doux destin qui nous rejoint.
De toutes parts pourtant des voix s'élèvent Vent, forêts et cours d'eau me laissent sans répit D'avoir bravé le sort, D'avoir
bravé la mort.
Je ne succomberai pas, mon amour est entier Lacs, montagnes et prairies, vous et moi, et les astres aussi Dans cette grande danse ne sommes qu'un, sommes la vie. ***
Que d’encre vomira mon cœur ! O ma main ! mon péché, mon erreur ; Tu vis, tu me regardes, lorsque de mes travers, Se nourrissent tes douceâtres pleurs.
Hier tu as couvert ton visage
d’une grille noire, Veuve pathétique se grimant au regard D’une tribune morose avide de malheur.
Ainsi à cette heure s’échoue sur le testament L’encre jadis vivace de mes veines ; Ultime estoc, coup de grâce véhément De l’impuissant qui cherche à conjurer sa peine.
Et
Ils y sont doux , mes mensonges , Et si peu le mal qui se change et ronge , O ma main ! Mon sens ! Demeure mon sceptre , mon encens .
Demeure où fuit ma douleur , où git l’élixir d’un
cœur Je vis et je meurs Au rythme lent d’une langueur. ***
Des corps, Qui se frôlent dans une chaleur étouffante, Et puis des corps qui marchent, courent et chantent, Chantent leurs haines écrites sur leurs veines, Devant ceux qui s’en foutent, ils chantent leurs peines Et puis des corps, Juste des corps qui doutent, Des corps qui se fondent, Qui se rendent, Qui se confondent, Qui se dégagent de la table ronde, Des corps ! Les corps vacillent, Les corps sont en transe, Les corps dansent, Ce soir, ils dansent, Ce
soir, ils pensent, Ce soir, ils dansent autour du sens, La passion est hors du corps et le sens danse, Le sens est en feu.
Des corps, Ils dansent, encore et encore Jusqu’à ce que les pieds saignent, Puis las de danser Et plus las encore de penser, Ils tombent lourdement Les uns après les autres S’entassant, tas de chairs Nerveuses s’agrippant Aux mensonges qui s’enfuient A la rage qui vomit A la crasse au pus au sang, Chairs amollies ouvertes aux vents; Et ils crient Ce qu’il leur reste La détresse et l’ennui; Et ils gémissent d’être seuls Dans la danse macabre Seuls, tous collés les uns sur les autres Les autres tout
collants et Tous seuls aussi… La masse grotesque, Exsangue, Râle et expire L’abcès crevé Et puis fin. ***
Poèmes en duo Audrey Chambon & Khalid EL Morabethi Lien du recueil : https://fr.calameo.com/read/0046242524b1c9f307270
Poèmes
Fabrice Farre Gerfaut
De la haute colline ta voix de sifflet les arbres géants et le jour ouvert : tout l'espace avait un oiseau « gerfaut
» dit-on une seule fois en pointant ce doigt que nous prêta l'impatience. Fil
Tu sauras que je pense à toi que je t'écris sans même rédiger une
seule ligne de vie à chaque pouls ressenti, jusqu'aux dernières capillarités du monde, tu m'entendras de l'intérieur. Cheval
Je te promets de dessiner le meilleur homme,
plus que lui le cheval dont la courbe animale luit dans la nuit humaine. Porter
Tu as porté les seaux, cédé à leur tempête lorsque
l'eau s'y agitait. Dans la main, la anse instable ne tenait qu'aux rivets d'un instant fixé entre deux yeux brûlants.
« Le matin était parti d’un cri radieux »
Jacquy Gil Ici passait jadis une rivière… Le monde en était à ses premiers balbutiements, paroles encore fluides déposant au hasard des méandres
notre part future à dire. Ainsi courait déjà un peu de nous-mêmes. Flot impétueux laissant derrière lui des chemins à suivre à nos pas à naître. Et du temps aussi, pour que, devenus,
nous puissions recueillir çà et là tout ce qui est en mesure de transcender la marche ; mots nous menant au-delà de nos mains, de nos yeux, et se déversant peu à peu dans le poème. Langage toujours en partance
et prêt à donner au verbe l’eau, l’air, le feu, la terre… Tout ce dont a besoin la Lumière. * Tu t'apprêtes à partir ? ... Alors ouvre
la voie à ton ombre, pourvoie à sa marche, la lumière suivra... Elle est ton viatique, ce nécessaire à emporter quand trop grande encore est l'ignorance de soi. Car l'ombre fait de toi ce que tu fais d'elle
; elle te grandit ou te rend insignifiant, – elle t'adopte ! Ainsi deviens-tu, malgré toi, le médiateur des deux extrêmes de toi-même. Elle te suit ou te précède, selon l'ampleur que tu donnes à ton
questionnement. Or peu s'en faut pour qu'elle t'affranchisse, te laisse à ton errance. Qu'elle pâlisse et avec elle disparaît le soleil : tu la croyais conciliante et la voici qui t’assombrit… d'un désaveu !
* On ne part que pour ouvrir un chemin là où la voie est déjà ouverte... Ce peut être la lisière d'un bois, la crête tourmentée d'une montagne,
une ligne imaginaire entre deux étoiles. Ou encore un ruisseau épousant le pli de la terre, le bord indéfini d'une plage… On ne part que pour accélérer les possibles, pour aller là où le temps reste
à prendre, où la vie est prête à se dire... Ce peut être ici, en deçà, au-delà... On ne part que pour donner un sens à la marche ; pour atteindre l'instant qui nous cherche ; pour que la route
nous libère des pas pesants de l'absence. * Il y avait par terre quelques éclats de soleil, quelques débris d’ombre : du temps à rassembler, à disposer,
et peut-être même à comprendre ; à peine au-delà de celui qui n’avait jamais cessé d’occuper l’homme. Et tout cela avait la densité d’une conscience, et tout cela demandait à
être dégrossi. Partout, et peut-être davantage où était le silence, un espoir s’élevait : une invite à saisir tous les fragments d’un monde qui nous était promis et dont le destin appelait
un labeur. Façonner son outil d’abord, cette fusion du geste et de l’esprit, obtenir un statut d’apprenti – les mérites d’un compagnonnage – avant que le grand chantier des jours nouveaux nous vienne…
(Recueil inédit, extraits)
Poèmes
David Nadeau ***** POÈMES (2007-2015) ***** CHANTIERS DE L'OMBRE
I
digne
d'atteindre l'envers qui déforme
le seuil en sens inverse au zénith mal logé il joue avec le siècle de bronze et la durée des oscillations noires de sa disparition
absent d'avoir manié le paon de nuit et muet aux voiles de plomb
II
Si la ville est l'amande des déluges par les vastes étendues de vitraux un fragment de nuit pâlit le voile des réveils
III plongée dans la poésie embryonnaire du
corps inconnu l'énigme humide aux enfers de fée et d'ondes lourdes, l'érosion dorée remue les lèvres et les doigts du gouffre à la tombée d'un geste
l'écho d'un désir cornu
revêt le reflet des roses
IV
palper cette larme d'un abîme à se rompre dans l'écorce atmosphérique des rues
V
encore évaporée
***
L'ÉMERAUDE CHARNELLE
au miroir souterrain
l'hermaphrodite blessé - inavouable fleur- attise un nectar triomphal les ténèbres losanges hésitent à embrasser ses griffes
les ténèbres pourpres frôlent l'orchidée originelle le désir momifié pour goûter ces horizons plus délicats
***
BLASON NUPTIAL
leurs secrets s'entrelacent en spirale comme des volutes dans les noyaux de cerise le don au corbeau mime les gémissements de l'hermaphrodite le sexe quitte son silence de perle
la sueur de la lune
le miroir pleure,
embrasse les métamorphoses, avale le rare orage qui lave une offrande nacrée
***** POÈMES RÉCENTS (2011-2015) ***** CONJONCTION
SPONTANÉE sur une peinture de Pascale Dubé L'ombre du taureau interroge le ciel, sur lequel l'épée d'une planète rouge grave des signes favorables.
***
CELTE FLUORESCENT à Jean-Claude Charbonel j'ai été une petite planète de bronze décapitée
une nécropole éclipsée par la ferraille fluorescente des presciences
le talisman verdâtre d'hyperborée dans la rivière aux phosphènes - fougères et engrenages
***
CYCLONE PRÉCOLOMBIEN
cyclone précolombien son corps très allongé vole avec difficulté au-dessus des rochers dont le plumage édifie les tempêtes membraneuses au nord
dépourvu de rouge
vestiges du vent les traces emportent la route
l'axe est rompu et se prolonge à l'heure de l'origine chirurgicale et céleste la science étrange qui peut être fécondée
jusqu'au tarissement des sources troublantes
le danger commence lorsque la longueur du rayon polaire fragilise l'édifice et que ses flancs deviennent du granit
***
L'AXE DU BROUILLARD
les yeux bandés attentive à démêler les immenses spirales dans une pièce aux couleurs de mirage cette scène nue épouse le hasard par une porte secrète
quelques vestiges
se rapprochent l'espace explore les intonations dans les régions inférieures de la flamme la transmission des ossements se heurte aux obstacles de la rose l'intérieur du crâne reste immobile pour l'oreille inconnue
que vous déposerez au pied de la question au creux de l'oreille couronnée les Éditions La Vertèbre et le Rossignol
Poèmes
Monique PICARD EN BAS DANS LA BRUME
(11/11/15)
En bas, le ciel s’écrase sur le cap les sons s’étouffent dans la brume le train file en apnée.
Où le couchant a-t-il choisi d’avaler la mer que
les barques ont désertée ?
En bas, le clocher sonne dans la grisaille comme un grelot acide solitaire et dur qui fait taire les oiseaux.
Soudain, la sorcière du soir agite dans
son chaudron vide poutrelles de fer et cris d’enfants.
Des lumières scintillent sous l’avion qui vrombit déplaçant vers d’autres collines des morceaux de vie
comme
une barge collecte algues et coquilles pour un chantier lointain.
En bas, on brûle les derniers branchages et la fumée rejoint la brume, effaçant du monde l’illusoire voyage.
----- BISE D’AUTOMNE
(21/11/15)
Ce n’est pas la mer à marée montante, c’est le vent qu’on entend souffler dans les arbres dont les feuilles ne s’accrochent plus aux nuages.
Il file sans frein droit
devant lui rageur et puissant. Jamais il ne basculera du haut de la falaise, perdant l’équilibre en regardant la lune, happé par la nuit.
Il est libre et souverain Il est fort et sûr de lui Il
menace, il hurle. Les aiguilles de pin cinglent les oiseaux nocturnes, les câbles tremblent et parfois crient.
Il lapide la crête où les chats fuient, rompt les branches et racle les chemins, de
l’épaule cogne les troncs et se rue dans le vallon.
----- ELLE ALLUME UNE LAMPE
(05/12/15)
Le goudron, les murets les montagnes, les troncs, s’enfoncent sous le ventre du ciel qui pousse son mutisme vers l’horizon absent. Mais l’automne sait inverser le temps, enrayer l’hiver
au détour d’un pont.
C’est un cerisier d’or qui surgit sur la pente, un arbuste écarlate embrasant un ravin, un lâcher de confettis jaunes sur une oliveraie.
La terne saison
pare d’étoiles son crépuscule, et laissant sur le seuil les chagrins et les peurs, guide la main sur la rampe ; derrière la porte où frappe la douleur elle allume une lampe. ----- ELLE HEBERGE LE CIEL
(08/01/16)
Le torrent bondit le ruisseau roucoule L’eau obéit. Où qu’on la mène elle suit se coule entre les herbes luit sur la roche et dessine le sable.
Dans une vasque au repos elle écoute les
oiseaux et répond au soleil lorsqu’il écarte une branche dévoilant un ciel immense qu’ample miroir elle hébergeait déjà sans le savoir.
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